« Matrone Et Domina, Une Patricienne Hypersexuelle Dans La Rome Impériale » (1) : L’Éducation De Tullia

AVERTISSEMENT

J’ai décidé, à mon tour, de me lancer dans la rédaction et la publication de récits érotiques fictifs, en commençant par une série de textes dans un cadre historique.

Ma première série, «Matrone et Domina, une patricienne hypersexuelle dans la Rome impériale», sera un « péplum érotique ». Il s’agit bien de fiction, mais construite à partir de mes lectures.

Je renvoie aux références bibliographiques qui figurent à la fin du texte. Je me suis aussi inspirée de personnages historiques, de grandes libertines, dont j’ai raconté le parcours dans la série « Histoire des libertines ». Je recommande donc de lire ou de relire les quatre textes suivants, qui ont été des sources d’inspiration :

• « Histoire des libertines (4) : les femmes scandaleuses de la famille d’Auguste », paru le 5 septembre 2017. J’ai notamment été inspirée par les frasques de Julie, la fille d’Auguste.

• « Histoire des libertines (5) : Messaline, impératrice et putain. », publié le 15 septembre 2017.

• « Histoire des libertines (6) : Agrippine la terrible », paru le 26 septembre 2017

• « Histoire des libertines (7) : Poppée et Faustine, des impératrices romaines à la réputation sulfureuse. », publié le 2 octobre 2017

TULLIA, MATRONE ET DOMINA

Ce premier chapitre est l’occasion de découvrir mon personnage central : Tullia. Née en 30 de notre ère, ses aventures et son parcours d’hypersexuelle vont se dérouler sous les règnes des empereurs Claude et Néron.

Tullia est la dernière d’une lignée de patriciens, d’une « gens » qui trouve ses racines dans les premiers temps de la République. Les Tullii prétendent même descendre des anciens rois légendaires de Rome, Servius Tullius et ainsi, de Tarquin l'Ancien par sa fille, Tarquina.

Son père, le sénateur Marcus Tullius Longus, dont le « cognomen » cadre bien avec sa grande taille, n’a pas réussi à avoir le fils qui aurait perpétré sa lignée.

Il a reporté tous ses espoirs sur sa fille.

Cette famille patricienne s’est peu à peu ruiné du fait des dépenses de prestige nécessaires au cursus honorum, à la carrière politique du pater familias, tenu d’entretenir des clients et d’offrir au peuple « panem et circenses », du pain et des jeux. Les Tullii ont aussi été victimes des guerres civiles et, ayant en particulier choisi le camp du Sénat et de Pompée, ils restent à l’écart du régime fondé par Auguste, même après que celui-ci leur ait choisi la clémence et leur ai rendu leur « dignitas », à défaut de leurs terres, qui étaient la source de leurs revenus. Enfin les trois mariages de Marcus, et les dots qu’il a dû consentir, ont encore dégradé l’état de ses finances.

Tullia va croiser dans son parcours la route de Messaline et d’Agrippine, ce qui ne sera pas sans conséquences, mais elle saura se tenir à l’écart des luttes de pouvoir. Devenue jeune veuve, elle mènera une vie agitée, tout en évitant le destin tragique de Julie, fille d’Auguste ou de Messaline. Tullia saura se préserver de l’accusation infamante de « stuprum », qui est, chez les Romains, la souillure provoquée par des rapports charnels illégitimes.

En raison de l'accent mis sur la famille dans une société patriarcale, la sexualité féminine à Rome est vue comme une base de l'ordre social et de la prospérité. Les citoyennes se doivent d'avoir une sexualité dans le mariage et sont honorées pour leur intégrité sexuelle (pudicitia) et leur fécondité.

Les femmes libres qui s'affichent sexuellement, comme les prostituées et les artistes, ou qui se rendent disponibles indistinctement, n'ont plus de protections légales et perdent leur respectabilité sociale. Devenue veuve et dans l’impossibilité de retourner chez son père, décédé entre temps, Tullia échappera à cette stigmatisation.

PORTRAIT D’UNE BELLE PATRICIENNE

Marcus Tullius Longus sait qu’il vit la fin d’un monde, annoncée depuis que la République sénatoriale a laissé la place à l’Empire et aux Césars.
Il lui reste de porter un nom illustre et une position sociale qu’il assume de plus en plus difficilement, en vendant peu à peu tout ce qu’il possède. Les Dieux ont annoncé la fin de sa lignée, en lui refusant un fils, malgré trois mariages. Le seul trésor qu’il possède est sa fille, Tullia, sa fierté, son orgueil, un cadeau du ciel que lui a laissé sur le tard Terentia, sa dernière épouse, morte en couches en donnant naissance à la petite fille.

Marcus aura mis les moyens qui lui restent à assurer la meilleure éducation à Tullia. En tant que femme, elle ne peut évidemment prétendre lui succéder au Sénat ou mener une carrière politique et militaire. Mais pour le reste, il l’aura instruite comme il l’aurait fait d’un fils. Philosophie, rhétorique, histoire, mathématiques, Tullia se montre une élève brillante, d’une grande intelligence et d’une volonté inflexible. Elle maîtrise également parfaitement le Grec, Marcus s’étant ruiné à faire venir les meilleurs précepteurs. Marcus est fier de lui transmettre son savoir, l’histoire de leur gens, l’orgueil d’être une Romaine et une patricienne.

Veuf depuis la naissance de Tullia, Marcus ne peut cependant que constater que sa merveille, qui va sur ses 16 ans, est devenue une jolie femme qui personnifie la beauté romaine.

Fidèle aux traditions romaines, Marcus veille à cacher ce trésor. Il est intransigeant sur ce point : en future matrone, Tullia couvre son corps d’une longue tunique, symbolisant sa dignité, la «stola ». Lorsqu’elle sort, toujours accompagnée d’une servante, la fidèle Valeria, qui répond d’elle devant son maître, Tullia se couvrait d’un manteau, la « palla » et ne laisse à nu que son visage.

Les lecteurs Premium auront le privilège de découvrir une photo libre de droit que j’ai demandée à HDS de publier pour illustrer ce chapitre. Elle représente bien la façon dont je vois Tullia et cette beauté que Marcus découvrait, lui qui allait être contraint de vendre son dernier, son seul trésor, pour éviter à lui, le dernier des Tullii, la honte de la ruine.


Tullia possède tous les caractéristiques, ou presque, de la beauté féminine aux yeux des Romains. Pour l’époque, elle est grande, mesurant Im70. De son éducation masculine, elle a gardé la pratique de l’exercice physique qui donne à son corps une fermeté et des muscles qui ne gâchent pas sa féminité. Tullia est mince, sa taille fine contraste avec des hanches larges. Tullia a une croupe qui ne peut que faire bander les hommes et appeler la saillie.

Ce qui frappe d’abord chez Tullia, ce sont ses cheveux. A Rome, les cheveux sont perçus comme un objet de séduction et même de fascination. Depuis les origines de Rome, les cheveux des femmes sont liés au désir et à la magie amoureuse. Les longs cheveux de Tullia sont châtains clairs, ils tendent vers le blond, sans que la jeune femme n’ait besoin de se teindre les cheveux comme font beaucoup de Romaines. La fidèle Valeria passe des heures à coiffer sa princesse, alternant chignon et boucles. Elle veille à dégager largement son front, comme c’était la mode dans la Rome impériale et à tailler ses sourcils, qui ne sont qu’un mince trait au-dessus de ses grands yeux.

Le visage de la jeune femme est ovale et bien équilibré, il se caractérise par un teint blanc, frais, brillant et sans imperfections. Son nez est petit, comme la bouche petite aux lèvres pleines et délicatement ourlées.

Plus tard, quand elle ne sera plus sous la coupe du rigoureux Marcus, Tullia prendra l’habitude de se maquiller, en insistant sur le Khôl qui se combine si bien avec ses grands yeux noirs, ou encore accen ses lèvres par du rouge, encouragée par Messaline qui lui dira qu’elle une bouche de « fellatrix », faite pour les baisers et pour honorer les mâles.

Tullia ne possède cependant pas tous les canons de la beauté romaine. D’abord, à cause de ses grands yeux noirs. On se méfiait des yeux trop foncés parce qu’ils témoignaient d’un caractère fort, voir trop emporté. Et c’était vrai dans son cas.


Et puis surtout il y avait sa poitrine. Pour les Romains, de beaux seins sont toujours petits, blancs et portés haut sur la poitrine. Les seins d'une jolie femme sont censés être « discrets. »

Sur ce plan, Tullia se singularise. Ses seins sont lourds et correspondent davantage aux critères de beauté qui sont les nôtres.

Loin d’être complexée, Tullia était fière de cette singularité. Les Romaines couvraient leur poitrine d’un voile diaphane. Tullia, elle, aimait montrer ses attributs, elle était du genre exhibitionniste, ce qui faisait scandale. Elle aimait porter un péplos qui laissait l’épaule nue. Dans sa découverte des pratiques sexuelles, Tullia saura faire de sa singularité un atout, pratiquant au grand plaisir de ses amants ce qu’on appellerait aujourd’hui la cravate de notaire ou la branlette espagnole.

Pour terminer enfin sur ce portrait avec un détail très intime, aussi bien les femmes que les hommes s'enlèvent les poils pubiens. C’est ce que fait Tullia, aidée pour cela de sa petite et fidèle servante Lucia, un détail qui, nous le verrons, aura son importance.

LECTURES ET DECOUVERTES

Marcus pense bien connaître sa fille adorée.

Il ignore l’autre face de la personnalité de Tullia, celle qui va peser lourdement sur sa destinée. Il s’agit de la sensualité de la jeune fille, qu’elle va découvrir dès sa puberté, au moment où, d’, elle devient adolescente. Elle est désormais une jeune femme, à une époque et une société où l’âge légal du mariage pour une fille est de douze ans. La majorité des jeunes filles étaient fiancées à 10 ans et mariées entre 12 et 15 ans. Tullia était donc une exception, car Marcus n’a jamais songé à la marier aussi jeune, lui qui veut garder après de lui celle qui est sa joie de vivre, son rayon de soleil comme il l’appelle. Quand certains de ses amis ont osé lui dire qu’il était temps de penser à trouver un mari pour la dernière des Tulii, Marcus les avait rabroués, leur disant qu’elle n’était qu’une , qu’elle avait le temps. Ce n’est pas seulement par rigorisme que Marcus tient Tullia loin du regard des hommes, c’est d’abord parce qu’il veut retarder le plus possible son départ de la maison.

Tullia est une passionnée de lecture, comme son père. Elle dévore les ouvrages qu’il possède et dont il ne veut pas se séparer, fier de sa bibliothèque, malgré une situation financière qui ne cesse de se dégrader.

Marcus n’entend pas contrôler les lectures de sa fille. Il veut qu’elle développe son esprit de curiosité et sait qu’elle est assoiffée de savoir. Il n’y a pas au sein de la famille de mère qui pourrait veiller aux lectures de Tullia et il n’y a plus désormais de précepteur qui aurait pu également la mettre en garde. Marcus est convaincu que l’éducation classique qu’elle a reçue sera suffisante pour la préserver de toute mauvaise influence. Il se trompe lourdement.

Tullia avait déjà découvert les ouvrages du poète Catulle (-84/-54) et notamment ce qu’il écrit sur sa liaison difficile avec Lesbie (Lesbia), en fait Claudia, épouse du consul Quintus Metellus Celer. Le poète exprime dans plusieurs de ses pièces son déchirement devant l'envie de quitter cette muse aux mœurs très volages, soupçonnée par ailleurs d'avoir empoisonné son époux en -59, de nourrir des relations avec plus de 300 amants et d'entretenir une relation ueuse avec son frère - et la passion dévorante qu'il éprouve jalousement.

Tullia aimait aussi les élégies du poète Tibulle (-50/+19), où il chante ses amours tumultueuses pour deux femmes, Délie et Némésis. Elle avait aussi apprécié les élégies du poète Properce (-47/-14) et son amour pour Cynthia, la femme qui allait l'inspirer et féconder son génie poétique.

La jeune fille va s’identifier à ces femmes et notamment à l’infidèle et volage Lesbie.

La lecture qui la marquera le plus fut cependant celle des ouvrages d’Ovide (-43/+17) et notamment « l’Art d’aimer », qui valut au poète d’être exilé par Auguste à Tomis, sur les bords de la Mer Noire.

L'image du couple qu'Ovide présente est très éloignée de l'ancienne morale traditionnelle et reflète l'évolution des mentalités de la fin de la période républicaine : la femme n'est plus l'épouse soumise par les lois, respectueuse de son mari et jalousement protégée, la mère de famille, la Matrone, la maîtresse des serviteurs de la maison, la Domina). Ovide présente une société qui fonctionne à rebours de ces traditions ancestrales : l'homme devient esclave de sa compagne par recherche d'un plaisir nécessairement partagé et la recherche de raffinements nouveaux.

L’ouvrage mérite qu’on s’y arrête un peu, car l’histoire de Tullia est la mise en œuvre des préceptes d’Ovide.

L'ouvrage d’Ovide est divisé en trois Livres. Dans cette société où les hommes codifiaient le comportement sexuel des femmes, le poète subversif Ovide fut sans doute le seul homme de l’Empire Romain à s’intéresser à l’érotisme féminin et a recommandé aux hommes, dans ses écrits, d’être des amants attentifs au plaisir de leur partenaire…

Le premier Livre enseigne aux hommes à séduire les femmes. Après un préambule qui présente ce manuel du séducteur, Ovide décrit plaisamment les techniques d'approche : où trouver les belles filles à Rome, engager la conversation, aux courses de l'hippodrome soutenir ses favoris, multiplier les petits gestes attentionnés, gagner la confiance de sa servante ; aux cadeaux, préférer les nombreuses promesses, c'est moins coûteux, et les billets doux ; suivre la belle sans avoir l'air de la pister ; comment se comporter lors des festins, et voler les premiers baisers et une première étreinte.

Le deuxième Livre apprend à transformer sa conquête en amour durable : la fréquenter assidument, user de mots tendres et agréables, être attentionné, ponctuel et zélé, approuver ses goûts, gagner la complaisance de ses servantes et ses esclaves. Tolérer sans jalousie quelques rivaux et fermer les yeux sur les petites infidélités de la belle, tout en cachant celles que l'on commet, quitte à les nier si elles sont découvertes. Rester humble et patient en cas de refroidissement des relations. Et surtout, être un amant attentif au plaisir de sa partenaire.

Le dernier Livre s'adresse aux femmes, et prodigue les conseils pour séduire et conserver la relation : coiffure, habillement, maquillage, attitudes et jeux d'ombre qui mettent en valeur, y compris pendant l'acte amoureux.

Ces lectures remettent en cause tous les préceptes classiques qu’ont inculqués à Tullia, ses précepteurs et le Pater Familias, afin de faire d’elle une bonne épouse et une patricienne digne de sa « gens ».

Et pour terminer ses découvertes d’un autre monde, Tullia dévorera également « Les Amours », les élégies d’Ovide où le poète raconte ses amours avec la belle Corinne.

Outre l’identification à ces personnages féminins sulfureux, Tullia retient de ses lectures, et d’abord d’Ovide, la force de la séduction, le droit au plaisir et l’envie d’autre chose que le destin qui avait été écrit pour elle comme pour toute jeune patricienne, celui de femme au foyer.

Tullia rêve d’amours multiples, et c’est, suite à ses lectures, qu’elle découvre le plaisir qu’elle a à se caresser et les orgasmes violents qui en résultent la laissent brisée. Dans une société où la masturbation des femmes était à peine tolérée mais rare, la jeune Tullia va ainsi violer son premier tabou, tout en le cachant.

Dès ce moment, Tullia montre sa profonde intelligence. Elle sait ce qu’elle veut, mais saura attendre pour l’obtenir. Elle garde pour elle ses envies qui la brûlent. Il n’est pas question pour elle, en aucune façon, de blesser la « dignitas » de son père, qu’elle sait très attaché à l’éducation classique romaine. Elle patientera, calmant son feu intérieur par ses lectures et ses séances de plus en plus fréquentes de masturbation, où elle a très vite découvert l’incroyable sensibilité de son « landica », son clitoris. Vierge, Tullia ne sait pas encore qu’elle est vaginale, mais elle est instinctivement clitoridienne.

LUCIA, L’INITIATRICE

Les lectures de Tullia ont joué un rôle décisif dans sa transformation, depuis une patricienne programmée vers une hypersexuelle affirmée. Sa servante Lucia a aussi joué un rôle décisif.

Lucia a environ deux ans de plus que Tullia. Conscient que sa petite fille, privée de sa mère, unique, entourée d’adultes dont un père aimant mais distant et ennuyeux, Marcus avait voulu offrir de la compagnie à sa fille. Il avait alors acheté la petite Lucia pour qu’elle devienne la personne la plus proche de sa fille.

Ce fut une chance pour Lucia, orpheline abandonnée de Sicile, qui évitait ainsi les prédateurs dont elle aurait pu être la proie et entrait ainsi dans la maison de Marcus Tullius, réputé pour sa générosité envers ses serviteurs, qu’il ne traitait pas en esclaves, mais comme faisant partie de sa maison et de sa famille.

Dès lors, Marcus prit un grand soin de Lucia, qui, bien que juridiquement esclave, bénéficia des précepteurs et du même enseignement que Tullia. Elle apprit à lire et à écrire, ce qui était exceptionnel pour une esclave.

Lucia et Tullia devinrent vite inséparables. Tullia avait très vite obtenu, pour lutter contre ses peurs, que sa servante dorme avec elle. Les deux filles avaient pris l’habitude de manifester leur affection, se tenant la main, s’embrassant. La nuit, elles dormaient dans les bras l’une de l’autre. A quelques mois de distance, les deux filles étaient sorties de l’enfance et étaient devenues deux jolies femmes, continuant pourtant leurs habitudes. La fidèle Valeria avait bien essayé de mettre fin à ses pratiques, en disant qu’elles n’étaient plus des s mais des femmes. Tullia s’était mise en colère, prenant sa servante par la main, comme si elle avait peur qu’on cherche à les séparer :

• Lucia est à moi ! Mon père me l’a offerte quand j’avais quatre ans et il est hors de question que je me sépare d’elle. Je ne dors pas sans elle !

En signe de défi, Tullia embrassa Lucia sur la bouche. Elle savait, par ses lectures, que c’était un signe d’amour et, en effet, elle aimait Lucia.

Lucia était devenue une jolie petite brune. A la différence de Tullia, enfermée comme toutes les futures matrones, Lucia, du fait de sa condition, était libre de ses mouvements.

La brune avait un point commun avec la blonde patricienne. Pour dire les choses crûment, comme sa maîtresse, elle avait le feu au cul. Lucia, peu après qu’elle fut devenue nubile, se mit en chasse et perdit son pucelage. Ce fut pour elle une révélation et elle y prit goût, renouvelant les rencontres et devenant, en peu de temps, une experte de la chose amoureuse.

Il lui fallait cependant être prudente et ne pas tomber enceinte. Lucia savait que Marcus serait impitoyable et que les supplications de Tullia n’y changeraient rien : elle serait vendue ou, en tout cas, chassée de la maison de façon ignominieuse et ne reverrait plus celle qu’elle adorait.

De son côté, Tullia ne voyait plus Lucia comme une grande sœur, encore moins comme son esclave.

Tullia, qui lisait et parlait le Grec parfaitement, avait adoré les textes de la grande poétesse de Mytilène, Sappho (lire à ce sujet « Histoire des libertines (1) : Introduction et Sappho la poétesse de Lesbos. », publié le 14 août 2017) et n’ignorait donc rien, sur le plan théorique, des pratiques de Sappho avec ses disciples.

Si Tullia rêvait de mâles vigoureux et pour le moment inaccessibles, elle comprit qu’elle avait aussi envie de Lucia et se rendit compte que celle-ci ne la regardait plus non plus comme une sœur, mais comme une femme. Tullia comprit qu’étant la maîtresse, il lui appartenait de prendre l’initiative.

L’occasion en fut fournie par Lucia. Elle ne put longtemps cacher à Tullia les raisons de ses longues escapades et ce qu’elle y faisait. Tullia, jalouse, poussa Lucia à tout lui raconter, dans le moindre détail.

• De plus en plus souvent, tu es absente le soir, tu sors, sans mon accord et celui de ton maître. Tu rentres tard, sans explications, en ayant l’air complètement épuisée. Tu t’endors immédiatement dans mes bras, alors que moi j’ai besoin de te parler, j’ai envie de ta tendresse, de tes baisers. Je veux savoir ! Parle, sinon je me plains à mon père et tu sais qu’elle sera ton sort : tu seras vendue !

Lucia fondit en larmes et se jeta aux pieds de sa maîtresse, entourant de ses bras les jambes de Tullia :

• Tu ne m’aimes plus !

En regardant avec intensité Lucia dans les yeux, Tullia se mit alors à déclamer par cœur « Ode à une femme aimée », le magnifique poème de Sappho :

« L’homme fortuné qu’enivre ta présence
Me semble l’égal des Dieux, car il entend
Ruisseler ton rire et rêver ton silence,
Et moi, sanglotant,
Je frissonne toute, et ma langue est brisée :
Subtile, une flamme a traversé ma chair,
Et ma sueur coule ainsi que la rosée
Apre de la mer ;
Un bourdonnement remplit de bruits d’orage
Mes oreilles, car je sombre sous l’effort,
Plus pâle que l’herbe, et je vois ton visage
A travers la mort… »

C’était une déclaration, où Tullia, faisant fi des convenances et de la différence de conditions sociales, exprimait avec force son amour pour Lucia, mais aussi toute sa jalousie. Tullia fit se relever Lucia et ouvrit les bras, pour y accueillir sa belle esclave. Lucia se réfugia dans les bras de sa maîtresse. Les lèvres des deux jeunes filles se joignirent dans un long et passionné baiser à en perdre le souffle. Tullia fit alors tomber la tunique de Lucia, et ses mains parcouraient son corps

• Tu es à moi, tu m’appartiens ! Tu as compris ?

• Je suis ton esclave, maîtresse

• Tu es surtout ma femme et pour la vie. Je t’aime !

• Moi aussi je t’aime, Tullia

Pour la première fois, Lucia osait l’appeler par son prénom. Tullia la regarda en exprimant tout son désir. Elle savait que ce soir-là, elles allaient s'aimer. Tullia sentait que la pointe de ses seins devenait douloureuse, que son « cunnus », sa chatte, était ouverte et humide. Tullia avait envie de Lucia, de ses baisers, de ses caresses, de son corps, mais avant, elle voulait entendre la confession de celle-ci.

Faisant à son tour tomber la tunique qu’elle était censée porter pour dormir, alors qu’elle dormait toujours nue, Tullia prit la main de Lucia et l’entraina vers le lit.

• Je veux tout savoir, je veux que tu me dises tout, ma chérie. Comme ça je saurais quoi faire quand ce sera mon tour

Lucia commença à expliquer qu’il y a trois mois, elle s’était faite dépuceler par un esclave, jardiner de la propriété voisine, un bel homme viril. Dès cette première fois, Lucia avait plus qu’aimé le sexe. Elle avait compris qu’il lui en fallait souvent et beaucoup. Elle se mit donc en chasse pour trouver d’autres amants, esclaves, affranchis, mais aussi des hommes libres, heureux de l’opportunité de baiser cette jeune brune au tempérament de feu.

Tullia ne perdait pas une miette du récit. Elle avait commencé à se caresser, fermant les yeux, s’imaginant à la place de Lucia. Celle-ci s’interrompit, découvrant toute la lubricité de sa maîtresse, admirant le plaisir qui commençait à marquer son beau visage, à voiler ses yeux.

• Tu es encore plus belle, maîtresse, quand tu te caresses !

• Oh, continue, je te dis. Tu les choisis comment tes amants ? Bien membrés ?

• Oh oui, mais aussi vigoureux et endurants. Je ne cesse de jouir et j’en demande toujours plus. C’est divin, tu sais !

• Quelle chance tu as ! Et tu laisses tes amants jouir en toi ?

• Je l’ai fait quelquefois, et c’est une merveille. Mais je préfère éviter car si l’un d’entre eux me féconde, je crains la colère du maître

• Tu fais bien, il serait impitoyable!

Lucia expliqua ensuite sa découverte d’autres pratiques, telles la sodomie et la fellation. Les scènes qu’elle décrivait exacerbaient l’excitation de Tullia.

Lucia finit par lui raconter que, plus récemment, elle avait voulu combiner ces plaisirs et qu’elle ne se contentait plus d’un seul amant, qu’il lui était arrivé d’offrir en même temps ses trois orifices ;

• Oh, ma chérie, tu m’excites. Comme j’aimerais voir ça et surtout pratiquer ces choses.

• Tu le feras, mon amour, j’en suis certaine.

Tullia et Lucia dormirent peu cette nuit-là, qui fut, pour l’une et l’autre, leur première expérience saphique.

Tullia, au matin, dit à Lucia qu’elle pouvait poursuivre ses frasques, en veillant à ce que son père ne s’aperçoive de rien, en restant de la plus grande prudence pour ne pas tomber enceinte. Tullia posa deux conditions, la première était que sa chérie lui raconte tout. Tullia a, en quelque sorte, commencé son parcours d’hypersexuelle par procuration et Lucia aura été sa complice dès ce moment.

La seconde condition était la stricte fidélité pour ce qui concerne les femmes, Tullia n’étant pas partageuse. Et désormais les deux jeunes femmes ne dormaient plus ensemble innocemment, mais développaient leur science du saphisme.

Convaincu des vertus de parfaite patricienne romaine de sa fille, Marcus ne voyait pas, au grand désespoir de Valeria, combien Lucia avait perverti son héritière, ou du moins était la complice de rupture de celle-ci avec bien des principes qu’il avait voulu lui inculquer.

Tullia était heureuse dans ses amours ancillaires et saphiques avec Lucia. Cet équilibre et son destin vont basculer à l’occasion de son mariage, que son père, étranglé par ses difficultés financières, ne pouvait plus différer davantage.

(À suivre : Chapitre 2 : « Ubi tu Gaius, ego Gaia »

***
Bibliographie : voici les lectures qui m’ont guidé pour créer le personnage de Tullia

• Pierre Grimal : » L’amour à Rome » (Editions Payot, 1995)

• Géraldine Puccini-Delbey : « La vie sexuelle à Rome » (Taillandier, 2007)

• Virginie Girod : « Les femmes et le sexe dans la Rome antique » (Editions Tallandier, collection Texto, 2020)

• Jean-Noël Castorio : « Messaline, la putain impériale » (Payot, 2015)

• Virginie Girod : « Agrippine, sexe, crimes et pouvoir dans la Rome impériale » (Editions Tallandier, collection Texto 2019

Pourquoi ne pas découvrir ou relire « L’art d’aimer », d’Ovide (Editions J’ai lu, 2002), l’un des textes érotiques les plus connus au monde ?

Je conseille aussi sur le net cet article Wikipédia :

• https://fr.wikipedia.org/wiki/Sexualit%C3%A9_dans_la_Rome_antique

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